Maintenant que nous sommes déconfinés, c’est la météo qui nous oblige à rester chez nous … Belle occasion malgré tout de nous pencher sur des sujets qui nous tiennent à cœur : nous vous proposons dans ces deux articles de mettre en avant des parutions récentes sur la traduction.
En guise de préambule, quelle meilleure introduction au sujet que “Le poisson et le bananier : l’histoire fabuleuse de la traduction” de David Bellos ? Livre à l’érudition discrète, il se présente presque comme un guide de voyage à travers les univers de la traduction, avec ses anecdotes, ses farces et ses contes. Un incontournable si vous vous intéressez au sujet !

Pour approfondir, un très beau livre aborde le sujet du point de vue historique. Sa rédaction a été supervisée par la philosophe et philologue Barbara Cassin, une passionnée des questions de traduction, par ailleurs académicienne.
Outre son formidable “Éloge de la traduction”, elle a dirigé une incroyable exposition présentée en 2018 à la fondation Martin Bodmer à Genève : “Les routes de la traduction. Babel à Genève“.
“La traduction est d’abord un fait d’histoire : les routes de la traduction, via le grec, le latin, l’arabe, sont celles de la transmission du savoir et du pouvoir” nous rappelle-t-elle. Ainsi, la reconstitution dans cet ouvrage de la circulation des textes fondateurs de notre civilisation est tout à fait étonnante. Ce sont des échanges incessants, des traductions de traductions, des papyrus et manuscrits qui circulent sous le manteau, et déjà les frontières physiques sont totalement perméables aux idées.
Il y aurait beaucoup à écrire sur ce livre, contentons-nous d’évoquer, plus loin dans ces pages, comment la langue russe en a “cannibalisé” d’autres lors des deux derniers siècles, ou comment la traduction est devenue un refuge pour les auteurs persécutés lors des purges staliniennes. Sous la plume de Georges Nivat, bien sûr, le plus émérite de nos traducteurs du russe.
En résumé, c’est un catalogue exceptionnel, qui intéressera tous les amateurs d’histoire et de littérature.

Bernard Hoepffner était un artisan des mots, il a révélé au public français moult écrivains anglais et américains contemporains, on lui doit notamment de nouvelles traductions de Mark Twain.
Véritable curiosité, écrit hors normes, son “Portrait du traducteur en escroc” a paru peu après son décès accidentel en 2017. Il s’y met en scène dans la peau d’un certain Ramsey, double hypothétique féru d’expérimentations textuelles. On a parfois du mal à le suivre dans les labyrinthes de références, mais le livre est porté par un souffle qu’on n’oublie pas.

Enfin, parler de traduction, c’est aussi évoquer cette réalité en 2021 : la traduction automatique est de plus en plus utilisée, voire officiellement acceptée par certaines organisations, y compris des instances européennes. On peut demander à l’humain de réviser le travail de la machine, mais…pas toujours. À cette enseigne, le Babel 2.0 de Thierry Poibeau est très intéressant. Il dresse un panorama récent de cette réalité, évoquant même les projets les plus récents de traduction “neuronale”.
