Blue note, le meilleur du jazz depuis 1939 / Richard Havers

    Voici un livre, paru à l’occasion des 75 ans de Blue Note, qui retrace l’histoire de ce label mythique autour de la création de 75 albums majeurs tout en laissant une place prépondérante aux témoignages d’acteurs (artistes, producteurs, critiques…) qui ont participé à sa pérennité.

La compagnie de disques Blue Note a joué un rôle remarquable dans l’histoire du jazz enregistré. Fondée en 1939 à New York par deux jeunes émigrés berlinois, Albert Lion et Francis Wolff,  le label Blue Note va forger son identité sur les mutations qui traversent l’industrie musicale américaine : l’avènement du 33 tours, réservé jusque là aux productions de musique classique, qui va permettre d’étendre le nombre de morceaux sur chaque face jusque là limité par le 78 tours, le déclin des orchestres (Big Band) de jazz et surtout, l’émergence de toute une génération de musiciens désireux de s’assujettir des partitions écrites pour laisser libre court à l’improvisation, reprenant par la même la voie tracée par Charlie Parker.

  Ce rassemblement de musiciens autour du label va permettre, fait unique dans l’histoire de la musique, de croiser les formations, de mélanger les musiciens, de dégager des leaders qui sauront aussi être accompagnateurs pour d’autres leaders, voire de créer des groupes comme les Jazz Messengers autour d’Art Blakey : un des plus grands quintets de Miles Davis est constitué de musiciens qui ont fait ensemble leurs gammes lors de séances  Blue Note (Wayne Shorter, Herbie Hancock, Ron Carter, Tony Williams).

     Au delà d’une production éclectique et raffinée (les deux fondateurs sont réputés pour n’enregistrer que ce qu’ils aiment), d’une fidélité à toute épreuve des musiciens pour réserver leurs meilleures compositions au label ( les deux mêmes rétribuent rubis sur ongle chaque engagement même s’il n’aboutit pas à une production discographique), la marque de fabrique des enregistrements Blue Note réside dans la présence aux consoles de Rudy Van Gelder, architecte sonore exceptionnel, qui a l’art de savoir placer ses micros pour créer de l’espace entre les musiciens, de mettre en avant les sections rythmiques en utilisant la stéréo dans ses enregistrements ( alors que tout le monde produit en mono!) et de tirer bénéfice de l’acoustique d’un lieu, d’abord dans le salon de chez ses parents avant de se faire construire une « chapelle » acoustique qui lui tiendra lieu de studio d’enregistrement !
      Et pour se démarquer des productions phonographiques des autres labels tels que Prestige, Verve et autres dans les bacs des disquaires, le label va innover en confiant à un jeune graphiste débutant, Redd Miles, la réalisation de l’identité graphique et la conception des pochettes des albums enregistrés. Un esthétisme autour des prises de vue noir et blanc de Francis Wolff et de compositions graphiques avant-gardistes (des dessins d’ Andy Warhol orneront quelques pochettes) vont alors immortaliser les disques du label et inspirer pendant deux décennies les agences publicitaires américaines.
     Un livre qui témoigne de la fertilité d’un catalogue qui aura su évolué, grâce notamment à l’apport financier de  « tubes » comme Watermelon Man, The Sidewinder ou encore Song for my father et The Preacher d’Horace Silver, depuis le blues des années 30 jusqu’aux prémices du free jazz, en y accueillant Eric Dolphy, Ornette Coleman, Don Cherry ou Cecil Taylor avant d’être vendu à Liberty Records qui essaiera de maintenir, tant bien que mal, une certaine qualité artistique ( Erik Truffaz, Norah Jones, Jason Moran… pour les plus connus)…
Un livre pour tous les amateurs de jazz, de photographie, de graphisme mais aussi d’histoire car ces « Outlaws » musiciens ont participé, avec leurs notes bleues*  , au grand mouvement d’émancipation des Noirs américains…

*: les notes bleues sont la tierce et la septième, voire la quinte, diminuées (abaissée d’un 1/2 ton) d’une gamme diatonique  majeure.

2016

À retrouver (entre autres) à la Bibliothèque des Champs Libres

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