Esseulements presque clandestins qui chatouillent les souffrances de l’amour et le deuil des présences, Delia Owens recueille, au moyen d’une prose prudente, les suspensions et errances intimes soufflant sur les brûlures d’une vie.
Le roman d’une construction. Celui d’un rapport à la résignation et la résilience, quasi sidérante, et le dévoilement d’une société fragile, cruelle envers celleux qu’elle refoule, la trahison comme hymne ordinaire. La langue, à l’apparente simplicité, semble nous inviter à délaisser l’histoire racontée pour éventer un foyer naturaliste, tellurique et percevoir les grincements entre le collectif et l’intime, dans une perspective tant s’en faut contemplative. Un récit qui évite l’écueil de la gratuité sans se faire dénonciateur. Cette ode à la solitude, pourtant percutée par les fantômes éternels, se déroule au rythme des saisons et de tout ce qu’elles réservent comme gestes, des rituels dont l’autrice cisèle les réflexes et les mots avant sans se confondre dans le pathos.
La menace constante d’un extérieur humain et le refuge de la nature comme enveloppe protectrice, celle d’une mère retrouvée. La conscience flottante du marais, quasi personnifié, dissimule alors les mensonges jusqu’à la fin, au-delà de la mort, au creux de l’immuable. La majuscule nature contre le minuscule humain, en somme.
Ne repartez pas sans ces quelques mots, à faire glisser sous la langue...
Si quelqu’un devait jamais comprendre sa solitude, c’était bien la lune.
Retournant vers le cycle immuable de la vie des têtards et le ballet des lucioles, Kya s’enfonça plus profondément encore dans un monde sauvage où les mots n’avaient pas cours. La nature semblait le seul galet qui ne se dérobait plus sous ses pas quand elle traversait un ruisseau.
Céline B.
A première vue, vous me croyez dans mon lit à bouquiner…
Pas du tout, telle que vous me voyez là, je suis dans un marais de Caroline du Nord. J’apprends le lacis des ruisseaux, le sable étincelant de la plage et les empreintes dans la boue, le nom de chaque oiseau, chaque plante. J’apprends à survivre, à être autonome et à remercier la nature qui est ma seule amie fiable. J’expérimente la solitude, digère l’abandon et les espoirs déçus. Je suis forte, je suis indépendante, je suis vive, je suis la fille des marais, celle qui fait parler, celle qui répugne autant qu’elle attire. Bref, je lis “Là où chantent les écrevisses” de Delia Owens et en ces temps confinés, quelle respiration !
Katell N.
Seuil – 2020 -traduit de l’anglais par Marc Amfreville
À retrouver en ligne sur le site des Médiathèques de Rennes Métropole et ultérieurement à la Bibliothèque des Champs Libres.
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