Les films maudits

Après des années de galère, Terry Gilliam a enfin pu sortir son Don Quichotte. Enfin la malédiction semble tenace puisque le réalisateur est aujourd’hui en conflit avec la société Alfama Films et le producteur Paulo Branco.

En effet en 2016, Terry Gilliam rompait le contrat avec la société de production car il estimait que les conditions de tournage imposées ne lui permettaient pas d’adapter comme il le voulait l’œuvre de Cervantes. Cet épisode judiciaire qui suspend la carrière du film à l’international (aucune sortie aux Etats-Unis et au Royaume Uni n’est prévue) rend l’équilibre budgétaire très précaire que les 110 000 entrées en France ne sauront stabiliser. Déjà dans le documentaire Lost in la mancha réalisé en 2002 par Keith Fulton, nous découvrons médusés les difficultés que rencontraient l’ancien Monty Python pour boucler son projet dont l’idée originelle avait germé dix années auparavant : problèmes contractuels, financiers, météorologiques (orages de grêle), militaires (survol de F-16 sur la zone de tournage), médicaux (hernie discale de Jean Rochefort)…

Lost in la Mancha

Sorti en 1965, le roman de science-fiction Dune de Frank Herbert connait un succès mondial. Dix années plus tard le producteur français Michel Seydoux propose à Alejandro Jodorowsky une adaptation cinématographique. Ce dernier réunit un casting de rêve et la future crème de la S.F. (Mick Jagger, Amanda Lear, David Carradine, Salvador Dali, Orson Welles, Moebius,  H.R. Giger, Dan O’Bannon, Pink Floyd et Magma pour la musique) mais les studios hollywoodiens craignent le tempérament du franco-chilien qui ne trouvera jamais les cinq millions de dollars pour financer son film qui aurait pu supplanter La guerre des étoiles ou Alien. Moins frileuse avec David Lynch, l’industrie cinématographique lui propose de réaliser le film, adaptation qui, selon l’aveu de Jodorowsky, est une infâme m****. Frank Pavich nous dévoile ce véritable parcours du combattant dans son désopilant documentaire Jodorowsky’s Dune.

Enfin Serge Bromberg raconte dans son documentaire L’enfer d’Henri-Georges Clouzot, réalisé en 2009, à partir de rushes du tournage de 1964, l’épopée chaotique de la réalisation du projet de Clouzot: épuisement physique et moral des équipes, calendrier de tournage serré, retards, disputes épiques…
Le film, largement cofinancé par la Columbia, devait raconter la jalousie maladive de Marcel (joué par Serge Reggiani) à l’encontre de sa jeune épouse Odette (Romy Schneider). Dans sa volonté démesurée de réunir le classique à l’expérimental (le quotidien est filmé en noir et blanc et la paranoïa de Marcel est passée au kaléidoscope de nouvelles techniques optiques et de couleurs criardes), Clouzot, affaibli par une crise cardiaque, n’atteindra jamais son ambitieux objectif.
C’est finalement Claude Chabrol qui réalise L’enfer en 1994 avec Emmanuelle Béart et François Cluzet. Si Chabrol conserve le scénario original, il esquive complètement le caractère expérimental du projet de Clouzot.

Si le sujet vous intéresse et que vous souhaitez découvrir d’autres arlésiennes du septième art, je vous conseille la lecture de ces deux ouvrages:

« Les Films maudits » de Michel Marie (Armand Colin). 

« Les plus grands films que vous ne verrez jamais » de Simon Braund (Dunod).

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