Mina regarde le football à la télévision depuis son enfance, elle n’est ni fan, ni addict, c’est juste que ce sport fait parti de la culture familiale et adolescente.
Elle a poussé la balle avec ses frères, elle a vibré sur le canapé devant des matchs historiques et elle a fait de la gymnastique et de la natation, parce que c’est comme ça, les images panini.
À trente ans, Mina est professeure dans un collège, célibataire, elle boit des bières avec ses collègues et corrige des copies. Le football féminin, elle n’y connait rien et décide de s’inscrire dans un club juste parce que son club de gym pour grands débutants aux agrès vient de fermer. Mina est de très bonne volonté, elle s’équipe de maillot, short et chaussures à crampons, taille XS et pointure 35, ce n’est si évident dans les rayons virils consacrés au football.
Toute fière de son choix, elle rejoint le Racing Féminin Football Club, Val de Marne, Poule D, du championnat amateur. Tout est dans la Poule D. Le club vient d’être créé par deux entraineurs aussi amateurs que les filles : Mina, Marina, Jeanne, Chloé, Anita, Frédérique, Gisèle, Madelaine, Alexandra, dont une seule connait quelques techniques et a déjà pratiqué les terrains boueux.
Pour toutes les autres, les rolos, les places de couloir, les tacles sont autant d’énigmes insolubles. Mais elles y vont, elle donnent toute l’énergie qu’elles peuvent à monter, descendre, tourner autour des plots, se prendre des coups par des filles plus chevronnées, se prendre défaites après défaites un nombre de buts record, même pour une poule D.
Elles s’en donnent à cœur joie, devant des gradins vides, sur des terrains à creux et à bosses, dans des vestiaires humides, parfois même sans, elles chaussent les crampons et courent après le ballon, croulant sous les conseils des deux entraineurs dépassés par autant de défaites et la mauvaise foi drolatique des filles. Soirées rhum, échange de vacheries puériles et d’élastique pour les cheveux, les aléas des filles en protège tibia sont pleins de fraicheur, d’entrain, et d’ironie, un féminisme joyeux et sans rancœur envers les moyens disparates de cette pratique au féminin laissée pour compte.
Même les équipe de Poussins ont des maillots à leur taille, les filles composent avec les reliquats. La forme choisie par l’autrice, proche du journal intime, donne toute la place à leurs sautes d’humeur et leurs fantaisies sur le terrain, accrochant la parole de l’une à l’autre, en brides qui dessinent des portraits de drôles de dame.
Le travail sur la langue est réjouissant, s’inspirant des clichés des commentateurs sportifs en décalage des genres. Mina n’a pas de revanche à prendre, elle n’est pas un porte parole d’une revendication, c’est par de petites touches qu’elle nous amène à sourire d’une inégalité, une parmi d’autres dont elle ne fait pas une histoire, mais l’autrice la raconte avec une justesse pétillante d’ironie.
2014
Athalie
À retrouver (entre autre) à la Bibliothèque de Rennes – Champs Manceaux
Vous êtes abonné à une autre bibliothèque de la métropole ?
Consultez son catalogue