Livre culte, texte fondateur de la true fiction, classé dans les 100 meilleurs livres policiers de tous les temps, ce texte fit vaciller son auteur tout en lui assurant un succès quasi starisé.
Ce texte de toutes les hyperboles est le récit d’un crime odieux, d’une ville traumatisée, de deux assassins au sang si froid qu’il fait frissonner, il est à la fois limpide et quasi hypnotique. Il mène un cheminement en quatre parties de « les derniers à les avoir vu en vie » à « le coin ». Impossible de lâcher en route l’enquête minutieuse menée par l’auteur pendant quatre années, si il fut happé par son sujet, il y entraine le lecteur avec lui.
Dans la première partie, il est reconstituée la dernière journée des membres de la famille Clutter. Le père, la mère et les deux enfants ; lui est à la fois austère et bienveillant, bon mari, citoyen respecté, patron d’un domaine agricole bien géré. Il parcourt son verger et signe une assurance vie … Bon mari, il veille sur sa femme, fragilisée depuis plusieurs années par une dépression. Elle dort beaucoup et laisse la vie de côté, contrairement à sa fille, Nancy, lycéenne populaire, ravissante, serviable. Dans la dernière matinée de sa vie, elle a transmis son savoir faire de la tarte aux cerises. Elle a un petit ami, et une meilleure amie … Son jeune frère, Kenyon, est plus solitaire, il passe pour un sur doué. Ce matin là, il a passé la dernière couche de vernis sur le coffre de mariage qu’il a fabriqué pour une de ses sœurs ainée qui va bientôt épouser un jeune homme apprécié de toute la famille. le coffre est dans le sous sol de la maison, où il sera abattu. La famille est prospère, en vue dans la petite ville de Garden City, 11 mille habitants, mais sans ostentation, sans clubs de golf et mondanités. Les valeurs sont chrétiennes, humanistes, le domaine est vaste, la maison est blanche, les haies taillées. Un peu à l’écart de la ville, il faut connaitre le chemin creux qui y mène.
Et pourtant, c’est vers cette ville insignifiante de Middle West, aux mœurs paisibles, rurales et routinières que se dirigent les deux petits voyous de pâle figure qui vont assassiner, lors d’une nuit comme les autres, sous la pleine lune d’une nuit sans coyotes, les quatre membres de la famille, juste au moment des chemises de nuit et des pyjamas.
Perry Smith et Richard Hickock se sont rencontrés en prison, mais le plan est venu après, presque par le hasard d’une complicité aléatoire. Dès le départ, on sait qu’il vont assassiner les Clutter après avoir vider le coffre fort. Ce qu’ils ne savent pas, c’est qu’il n’y a jamais d’argent liquide dans la maison. Ils vont parcourir quelques milliers de kilomètres et tuer quatre personnes pour quarante dollars, en raclant les fonds de tiroirs.
Ensuite, les deux meurtriers continuent vols et escroqueries de toutes petites envergures, dans une cavale pitoyable, de la petite ville dont Richard est originaire, au Mexique de pacotilles, pour revenir au point de départ, sans remords, sans inquiétudes puisque rien ne les relie à la famille. Ils n’ont laissé que deux empreintes, une chaussure pour chacun, et la police patauge, sans indices, sans pistes. Le crime était presque parfait, aussi parfait que vide de sens.
Le récit suit les différentes impasses de l’enquête en même temps que l’errance des deux meurtriers. Jusqu’à l’arrestation, le procès et les deux pendaisons de ces deux petites frappes, sans conscience, sans empathie, qui continuent à mâcher leur chewing-gum devant les jurés. Et pourtant, alors que leurs actes ne perdent rien en monstruosité, ils gagnent une part d’humanité. Par le style très factuel, la reconstitution minutieuses des faits, de tous les faits possibles, le récit dépasse le fait divers et le récit d’un crime. Les coupables payent aussi le prix de la violence sociale ordinaire : de leur enfance cassée, de leurs frustrations, ils se sont construit une perception du réel, faussée, mais qui leur convient, où ils ont trouvé une place et une légitimité. La réalité serait trop déceptive, alors, leur univers est borné par des désirs infantiles : Perry rêve de trésors perdus dans les mers du sud, Richard d’une vie au jour le jour, avec alcool et petites pépées. Inconscients, puérils, mais responsables, ils seront donc exécutés, de sang froid aussi.
Un récit percutant.
1988
Athalie (Bibliothèque de Clôteaux-Bréquigny)
À retrouver (entre autres) à la Bibliothèque Bourg-L’Evesque.
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