Everything Everywhere All at Once / réal. Daniel Kwan, Daniel Scheinert

Bagarre, multivers, amour et re bagarre.

Un jour, une copine m’a dit «Je vois pas pourquoi on s’emmerde encore à faire des films alors qu’on a déjà Matrix.» Sur le coup, oui, pourquoi pas après tout. C’est vrai que Matrix, à sa sortie en 1999, a sonné à la fois comme un renouveau et une apothéose du film de science-fiction et de bonne grosse bagarre, sachant puiser ses inspirations dans ce que le cinéma de baston Hong-Kongais, le cyberpunk ou le jeu-vidéo avaient de meilleur, et le reformuler avec amour sincère des genres dans une œuvre intemporelle, encore bien présente dans les imaginaires près de 25 ans plus tard.

Dans une période où la production culturelle populaire cinématographique donne l’impression de bégayer, avec des films conscients d’être ce qu’ils sont, se regardant eux-mêmes en s’auto-parodiant dans une spirale infinie, reproduisant à l’identique tout ce qui a pu exister dans les années 1980 et surfant sur les derniers memes viraux des réseaux sociaux, on peut peiner à ce demander ce que les années 2020 laisseront comme trace dans l’histoire du cinéma. Faire une référence à un autre film dans ton film, c’est sympa pour faire titiller notre fibre nostalgique, mais bon si c’est la seule proposition on a rapidement l’impression de tourner en rond.

Everything Everywhere All At Once, dans tout ça ? Au delà de références stériles à une période idéalisée, celles-ci, bien que présentes tout du long, servent le propos du film et n’obstrue à aucun instant son propos. Loin des budgets faramineux des productions Hollywoodiennes, ce film indépendant use d’un art du montage pour proposer un divertissement époustouflant, drôle, touchant et rafraichissant. Comme Matrix à sa sortie, Everything Everywhere All At Once semble avoir compris son époque, en avoir tiré des conclusions et vouloir proposer d’aller plus loin, d’enfin offrir un spectacle à l’épreuve du temps.

Après l’excellente surprise Swiss Army Man en 2016, dans lequel Daniel Radcliffe interprète brillamment le rôle du couteau suisse pétomane, et au vu du succès à la fois populaire et critique (7 Oscars, 2 Golden Globes), on peut dire que les Daniels ont botté en touche avec ce projet, et on espère qu’il apportera un nouveau souffle dans le cinéma populaire moderne. Même si on peut parfois avoir l’impression que le cinéma à grand spectacle patine un peu depuis quelques années, ça vaut quand même parfois sacrément le coup de continuer à faire des films.

A24, Originals Factory, 2022

À retrouver (entre autres) à la Bibliothèque des Champs Libres et sur la Médiathèque numérique.

Vous êtes abonné dans une autre bibliothèque de la Métropole?
Consultez son catalogue

Pour une analyse plus fournie, l’essai vidéo de la chaîne Bolchegeek :