La grande épreuve / Etienne de Montety

4 hommes et 1 femme, 5 histoires personnelles, 5 trajectoires de vie distinctes, que le destin va réunir autour d’une même tragédie, dans une petite ville, à priori tranquille, du Sud-Ouest de la France.

Il y a d’abord, Georges Tellier, prêtre âgé et fatigué, entré en religion, suite à la Guerre d’Algérie. Malgré de gros moments de doute où sa foi vacille, il reste ancré sur ce qu’il considère comme essentiel, son sacerdoce.

Puis Daoud, rebaptisé David par ses parents adoptifs, Laure et François Berteau. C’est un jeune homme de 19 ans, passionné de rugby, qui par l’intermédiaire d’un ami de son club, découvre dans la prière et la fréquentation de la mosquée, apaisement et sérénité.

Et encore Frédéric Nguyen, “le Noich” comme le surnomme ses collègues de la B.R.I. (Brigade de Recherche et d’intervention), dont la famille a fui le Vietnam dans les années soixante-dix pour échapper à la guerre civile. Frédéric a choisi d’entrer dans la police par amour de la moto d’abord, mais aussi avec le sentiment d’être utile aux autres.

Et aussi Agnès Mauconduit, Petite sœur de Jésus, revenue en France après des années à œuvrer dans un orphelinat du township de Soweto en Afrique du Sud. Elle s’est installée aux Alouettes, une cité populaire en périphérie, où elles s’occupent de femmes en difficultés.

Enfin il y a Hicham Boulaïd, adolescent frondeur et rebelle, amoureux de la “Jolie Emma”. Après un séjour en prison et l’abandon de sa petite amie, il trouve dans l’Islam un moyen de se “racheter”.

5 portraits tracés par Etienne de Montety pour camper le décor et nous amener progressivement vers le dénouement tragique, inspiré par l’attentat du Père Hamel à Saint-Etienne-du-Rouvray. L’auteur s’attache à décrire chaque personnage sous l’angle du sens qu’il choisit de donner à sa vie, face à ses interrogations, ses doutes, jusqu’à l’engagement ultime.

Ce récit dramatique n’est ni manichéen, ni prosélyte. En écho à une actualité récente (assassinat du professeur d’histoire-géographie Samuel Paty, procès des attentats de janvier 2015), il ne juge pas, n’amalgame pas et c’est ce qui rend sa lecture encore plus bouleversante. En décrivant le cheminement des personnages et particulièrement celui des deux jeunes hommes qui basculent progressivement dans la haine et la violence, au nom de la religion, il interroge sur la quête d’identité, les contradictions et les difficultés auxquelles ils doivent faire face, la voie que chacun décide de prendre. Au-delà du fait divers et de la barbarie de l’acte, il nous amène à réfléchir sur la “grande épreuve” d’une société confrontée à la folie de la radicalisation.

Assurer la paix civile pour que tout citoyen puisse aller et venir sans risque, vivre à sa guise, penser, croire, aimer comme il l’entend. Certes, mais au nom de quoi ? De leur commune condition. Une manière de solidarité. Toutes ces notions lui rappelaient sa classe de terminale : l’homme est un loup pour l’homme. Seule la force légale, canalisée, permet de contenir celle que génère toute société – et de protéger les plus faibles. Il se souvenait aussi d’un cours sur Camus et sa « généreuse complicité », inhérente à la nature humaine. C’est elle qui pousse l’homme à aider autrui, et à accepter de mourir pour lui. L’Autre, sa dignité, l’attention qu’on lui porte, c’est peut-être seulement ça qui donne un sens à la mort d’un soldat ou d’un policier.

Etienne de Montety dirige le Figaro Littéraire. La grande épreuve a reçu le grand prix du roman de l’académie française 2020.

Stock, 2020

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