Le bilan des 40èmes Trans Musicales de Rennes (acte 2) : 7 et 8 décembre (Ubu / L’Étage – Liberté / Salle H. Curien – Les Champs Libres / Parc expo)

Le festival peut sembler frustrant avec la concomitance des concerts mais la chance sourit aux audacieux.

Peu de déceptions (Pressyes, Raël Arp Frique, Cyril Cyril, Al-Qasar…)  ni l’impression d’être passé à côté de The concert même si les échos sur Vurro (l’espagnol au crâne de vache) et Ajate (collectif japonais d’afro beat) étaient plutôt bons. Sur le papier et à l’écoute de la présentation de la programmation, j’étais enthousiaste à l’idée de découvrir les autrichiens de Pressyes mais j’ai rapidement pressé No, sûrement trop pop pour moi, et suis allé voir le cornettiste et chanteur Ben Lamar Gay entouré de son orchestre. Il fallait peut-être assister à l’intégralité du concert qui déroutait par la fusion des genres pour ne pas se faire un jugement trop hâtif et se laisser prendre au groove. J’ai aimé l’alternance d’un jazz cool et plus free avec quelques notes brésiliennes. On passait tour à tour de Spain – Sun Ra – Gil Scott-Heron à Anthony Joseph.

Accompagnée de deux beatmakers (un DJ et un batteur) et deux choristes, la chanteuse Muthoni Drummer Queen a fait vibrer les murs du hall 9 à grand renfort de sons électroniques et de rythmes dévastateurs. Elle rend un bel hommage à ses pairs à travers sa reprise du standard hip hop “The message” du GrandMaster Flash qu’elle pimente à la sauce kenyanne. Certains morceaux rappellent aussi la fougue d’une Mary J. Blige ou Missy Elliott.

Le groupe new yorkais Underground System a bien digéré les influences de sa cité et assurera le clou du spectacle. Après avoir enflammé la prison de Vezin, la chanteuse et flûtiste et ses six musiciens (percussions africaines, batterie, synthé, guitares, trompette) infatigables ont mis le feu et un joyeux foutoir au hall 8. Il me permettra de finir la soirée sur une très belle note fusionnelle d’afro beat, disco-punk et de funk.

Le hall 5 du parc expo est aménagé de sorte que les spectateurs viennent y souffler, échanger entre amis ou avec des inconnus, grignoter et s’arroser le gosier entre deux concerts. C’est aussi l’occasion de voir des concerts loupés ailleurs lors de mini showcases. La prestation minimaliste électro folk (percussions, guitare ou banjo) des néo-babos suisses Cyril Cyril enregistrée sur la radio Canal B en guise d’apéritif me laisse un peu dubitatif même si j’ai bien aimé l’album Certaines ruines. Non, samedi soir, c’est dans le hall 3 du parc expo qu’il fallait se rendre pour se prendre de belles déflagrations soniques. Bodega était attendu comme la révélation et les prescripteurs ne sont pas trompés. Le quintet post punk originaire de Brooklyn (deux guitaristes dont un chanteur, une bassiste, une batteuse et une chanteuse qui donne le tempo avec sa baguette) avait de l’énergie à revendre et le patinage artistique connaît aujourd’hui, grâce à eux,  quelques aficionados supplémentaires. Ils revendiquent l’héritage de groupes tels que Wire, Talking Heads ou encore le Velvet en conceptualisant ses influences à leur sauce  :

 

Vient ensuite la cerise “noise” sur le gâteau d’anniversaire pour cette 40ème édition. Les quatre parisiens (deux guitaristes, un batteur et un synthé tour à tour au chant) de The Psychotic Monks ont livré une prestation stroboscopique avec des riffs de guitares directement sorti des entrailles soniques de l’enfer et un jeu de batterie proche de l’univers du metal. Rarement vu un concert hanté d’une telle intensité au parc expo en quelques années de festival au compteur. J’en ressors avec une idée concrète du chaos.

Al-Qasar, et leurs mélodies orientales teintées de oud et de percussions touarègues, pourtant pas déméritant, m’ont paru bien fade après une telle débauche d’énergie rock.

A noter que même si la fréquentation était importante (moins que les éditions précédentes mais complet le samedi soir), on circulait mieux et l’atmosphère semblait plutôt bon enfant et moins oppressante.  Le public des Trans se trouvait comme dans une bulle d’air dans cette fin d’année plutôt anxiogène. Des efforts notables ont aussi été consenti sur l’aménagement et l’acoustique des halls.

(Les liens vers culturebox sont disponibles durant une année.)

[Stéphane L.]

Retour le vendredi soir au Parc Expo. J’ai été déçu par le hall 8. Ben Lamar Gay m’a semblé proposer quelque chose de pas abouti, confus où les morceaux ne décollaient jamais vraiment. Le projet était-il adapté au Parc Expo ? Même question pour le Naghash Ensemble qui avait du mal à couvrir le bruit des conversations dans le hall et a dû être plus à l’aise le lendemain dans la salle de conférences des Champs Libres.

Dans le hall 9, j’ai bien accroché à Ekiti Sound. Le programme parlait d’un  « syncrétisme ébouriffant entre house de Chicago et polyrythmies africaines, mélodies pop et électro déviante, motifs de synthés et lignes de basse bondissantes » et ben, c’est vrai… J’ajouterai qu’en plus il propose de bons raps et que le clavier a une voix soul très agréable. On se retrouve donc avec plusieurs musiques africaines-américaines enchaînées et, pour une fois, ça colle assez naturellement. Un concert surprenant. Muthonni Drummer Queen m’a également bien plu.

Pour le samedi soir, je suis également d’accord avec Stéphane pour dire du bien de Bodega et surtout du concert des Psychotic Monks qui est clairement la révélation de cette année. Mention spéciale enfin pour les locaux du Nâtah Big Band qui ont réussi à apprivoiser hall 8 avec leur mélange musique bretonne -jazz-funk efficace. A l’année prochaine !

[Armand M.]

Frédéric Chopin, Enrico Macias, Gilberto Gil, le Tri Joubran ou encore Bachar Mar-Khalife comptent parmi les huit artistes choisis par Jérôme Rousseaux pour illustrer sa conférence sur les musiques de l’exil. Un ton enlevé et une mine de références musicales  qu’on apprécie chaque année pour ces conférences-concerts des Trans musicales. Un préambule bien à propos avant de laisser place à la musique en live !

C’est la puissance et la précision du trio vocal lyrique du Nagash Ensemble qui nous enveloppent immédiatement et nous emmènent dans des contrées lointaines. Accompagné par d’excellents instrumentistes au piano et aux instruments traditionnels, le duduk, l’oud, le dhol, le projet ambitieux du compositeur John Hodian révèle sous un jour nouveau la poésie arménienne du 15ème siècle de Mkrtich Nagash. Une expérience musicale originale qui a trouvé son écrin dans l’auditorium des Champs Libres en ce samedi après-midi.

[Mathilde C.]