Survivre / Vincent Hauuy

A l’heure d’une pandémie mondiale inédite, l’humanité se remet en question. Coïncidence pour Vincent Hauuy qui publie Survivre, le 19 mars dernier, deux jours seulement après le début du confinement.
Survivre nous propulse dans le futur, atterrissage en 2035, destination France. Florian est un rescapé de la guerre climatique qui fait rage depuis de nombreuses décennies déjà. Suite à la perte de sa femme et de sa fille, il décide de vivre en autonomie au fin fond des forêts alpines. Jusqu’au jour où son frère disparaît dans d’étranges circonstances. Florian se retrouve alors mêlé à un étrange jeu de télé-réalité où les intelligences artificielles dominent.

On vous arrête tout de suite, oubliez Acide Sulfurique d’Amélie Nothomb. Vincent Hauuy ne s’en cache pas, on se situe plutôt entre Blade Runner et Westworld, et c’est avec plaisir qu’on retrouve cet univers de science-fiction alliant intelligences artificielles et dystopie. Le lecteur est ainsi happé dans un paysage apocalyptique, où l’humanité semble n’avoir eu pour fonction que de « consommer, transformer et détruire ». Le discours de Vincent Hauuy se veut anticipatif, et, au désir de s’évader en ces temps de confinement, il répond par un aperçu alarmant du monde de demain.

L’année 2020 avait déjà commencé en beauté, les incendies d’Australie nous rappelant d’une part l’urgence climatique dans laquelle nous vivons et d’autre part les émeutes et les grèves se multipliant dans la totalité de la France. C’est maintenant à la venue du Printemps que 2020 surenchérit par une paralysie planétaire face au Covid-19. A l’heure où l’on s’interroge sur notre mode de vie, la question d’un retour en arrière se pose. Les conséquences de la pandémie s’annoncent lourdes et pourtant, nous ne soupçonnons probablement pas tous les dégâts induits et futurs. Alors qu’on se concentre sur les victimes du virus, la famine perdure, des millions d’enfants sont privés du vaccin contre la rougeole, et l’Afrique est submergée par les invasions de criquets. Sans compter les incendies près de Tchernobyl dont personne ne parle et qui pourraient constituer une catastrophe, malheureusement pas sans précédent. Autant de faits qui ne sont pas sans rappeler certains romans d’anticipation ou post-apocalyptiques, et ce n’est pas particulièrement rassurant.

Mais au-delà d’envisager les conséquences d’un mode de vie destructeur, Vincent Hauuy imagine la place de l’intelligence artificielle dans notre futur. Il le rappelle lui-même, il s’agit d’un récit fictif, lequel, par la force de ce qu’il avance, a de quoi vous faire réfléchir.

La question de l’existence d’intelligences artificielles fait couler beaucoup d’encre, et pour cause. Ce « grand mythe de notre temps » (rapport de la CNIL en 2017), Vincent Hauuy l’imagine comme évoluant vers « des entités empathiques, complexes, capables de comprendre ce qui pousse les organismes à survivre, à s’étendre, à se préserver. Capables également d’appréhender le paradoxe de la vie, dont la perpétuation passe inévitablement par la mort ». Un sujet qui passionne et qui fait débat, à l’heure où Westworld dévoile sa troisième saison et, pour revenir à la réalité, où l’IA est préconisée pour mettre en place un déconfinement « intelligent ».
Mais Survivre va bien au-delà même de la question des IA, il interroge aussi l’avenir. Alors, à quoi ressemblera demain si nous ne revoyons pas notre mode de vie ?

Cette lecture est d’autant plus vive qu’elle présente des personnages réalistes, attachants et profondément humains. L’empathie pour ces derniers est particulièrement intense et l’on se surprend à être fier ou déçu du protagoniste, comme si l’on vivait l’aventure à ses côtés, comme si l’on évoluait avec lui. Le regard que porte Florian sur notre monde vous permettra peut-être d’ouvrir les yeux sur celui-ci.

Survivre ne pouvait paraître en meilleur contexte que celui-ci pour faire son effet. C’est avec éloquence qu’il vous alerte sur votre mode de vie et vous émeut.

* IA : intelligence artificielle

Hugo Thriller, 2020.

À retrouver (bientôt) dans les bibliothèques de Rennes Métropole.

[Je suis Sarah H., étudiante en droit et en histoire de l’art. Je rêve de travailler dans le milieu du livre et, à ce titre, j’ai co-fondé l’association Le Nuancier, un magazine culturel et militant. Je publie régulièrement des chroniques littéraires sur le site du Nuancier.]