Le vieil incendie / Elisa Shua Dusapin

Que signifie être là pour l’autre, quel devoir s’impose ou pas, quand tout le monde est parti ?

Agathe, la narratrice, forcée de rentrer de New-York en France, après le décès de son père pour débarrasser la demeure familiale périgourdine qui vient d’être vendue, retrouve sa sœur Véra, aphasique depuis l’enfance.

La relation sororale, fusionnelle puis distendue, est mise à l’épreuve pendant ces neuf jours (un chapitre par jour) de novembre ; la violence des sentiments, l’amour ou le ressentiment, se dilue dans l’esprit du lieu qui a l’apparence d’une caverne. La maison – qui sera démolie et dont les pierres viendront boucher les trous laissés par un incendie (d’où le titre) dans le pigeonnier du château – est possédée par la végétation ; la porosité des architectures et des êtres avec la forêt ébranle la stabilité des corps.

L’autrice cerne les absences, à l’instar de Georges Perec dans W ou Le souvenir d’enfance – qu’Agathe adapte pour une série – en ausculte les « impacts » sur une intimité familiale douloureuse, indissociable du monde végétal (la forêt environnante), minéral (les grottes où travaillait le père) et surtout animal en empruntant au fantastique voire à l’horreur.

Le style épuré à la langue tantôt aérienne, tantôt heurtée, aux phrases courtes et au pointillisme gracieux contribue à donner une impression d’inéluctabilité qui ne laisse pas place à la nostalgie. Ce roman brûlant d’une étonnante densité a été couronné du prix Wepler 2023.

Les baies d’églantier dont les ovales rouges ressemblent à des têtes d’allumettes – photographiées en couverture – sont prêtes à s’enflammer.

Zoé, 2023

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